Pour tenter de répondre à la question posée par le Festival Uzupis " Que fais-tu ici et maintenant", je proposerais plusieurs voies. J'entends cette question comme "Que fais-tu l'artiste maintenant, dans ce monde? Que fais-tu contre ou pour ce monde? Que fais-tu avec ton art? Es-tu encore de ce monde? T’isoleras-tu où continueras-tu le combat? L'art n’est-il la politique d’une poétique ? Quelle force avons-nous? De quel combat nous revendiquons-nous? .... Pour cela je proposerais à la galerie Uzupis de Vinius en Lituanie, la vidéo «Le funambule », réalisée par Aliocha Allard, musique de Didier Debril. Cette vidéo a été faite d'après une installation que j'avais réalisée en soutien au combat des intermittents du spectacle en France. J'aimerais ensuite rendre un hommage à Louise Bourgeois, grande sculpteur, poète, peintre, décédée mais dont l'oeuvre toujours vivra. Il me reste quelques questionnaires qu'elle avait mis à disposition dans une de ses expositions au musée d'Art Moderne à Paris, dont les questions rejoignent le thème du Festival Uzupis: « Pourquoi sommes-nous sur terre? D'où venons-nous ? Quand saurai-je où je vais ? » Les passants de Vilnius y répondront si bon leur semble. Un poème sera écrit de toutes ces réponses, pour lesquelles un comédien de Vilnius pourra prêter sa voix au bord de la rivière. En troisième proposition, je présenterai un travail de photos et photocopies sur plastique, présentées comme des radiographies, scanners; « De l'impensé géologique ». Une série de dessins transférés sur film transparent plastique, extraits de photos prises de ma fenêtre de personnes traversant le carrefour, de copies de dessins d'un livre de Pompéi et d'autres copies d'un catalogue de l'exposition « Art et vie au goulag ». Cette installation sera nommée « Ne dis jamais que c’est ton dernier chemin », faisant écho au chant des partisans(זאג ניט קיין מאל « Ne dis jamais »), écrit par Hirsch Glick, jeune poète partisan, juif, né à Vilnius, mort à 22 ans, exécuté par les allemands en Estonie. Je retournerais la question "qu'avons-nous fait, là-bas et à cette époque là, que faisons-nous ici et maintenant et que ferons-nous ici, ailleurs et autre part. Continuerons-nous à nous mettre du côté du mal et de l'indifférence vers l'autre. Où sommes-nous et que faisons-nous?..." Hirsch Glick est expédié avec son père dans le camp de travail de Baltoji Vokė, puis à Rzeza. Il continuera d'écrire des poèmes emplis d'espoir, accompagnant ses amis du ghetto de Vilnius. Hirsch Glick prend part à la lutte clandestine, aux côtés du Fareynikte Partizaner Organizatsye (« Organisation unifiée des partisans »). Il tente de rejoindre avec ceux-ci les partisans de la forêt lorsque le ghetto est liquidé, en octobre 1943, mais son unité est capturée par la Gestapo et déportée au camp de concentration de Goldpilz, en Estonie. En juillet 1944, alors que l'armée soviétique approche, Hirsch Glick s'échappe, et l'on perd sa trace. Il sera capturé puis exécuté par les Allemands, en août 1944.