Dans une cour que l'on imagine nichée au cœur d'une médina d'Afrique du Nord, une voix s'élève. Seule, invisible d'abord.

Cinq chanteurs soufis tunisiens surgissent un à un sur le plateau. Égrenant une litanie lancinante et pénétrante, leur ballet indolent croise celui, troublant, des trois danseurs. Le premier est droit et grave comme la raison, le deuxième incarne toutes les folies de l'homme.

Masqué par le crâne décharné d'un animal, le troisième vole presque sur ses béquilles. Il joue une mort glaçante mais aussi étrangement vivante.

Danseurs et circassiens, Ali et Hèdi Thabet, frères belgo-tunisiens, créent ici leur premier opus en commun, rejoints par Lionel About. "Ce qui importe avant tout, c'est qu'il y ait rencontre, expliquent Ali et Hèdi. C'est de l'interaction des trois corps que naît l'écriture chorégraphique".

De figures acrobatiques en déambulation, de mouvements fluides en étreintes, leurs trois corps ne font plus qu'un, offrant l'harmonie parfaite à l'idée de fraternité, d'équilibre et de force.

Porté par les voix des chanteurs de hadra (cérémonie soufie) - dirigées par le musicologue Sofyann Ben Youssef - par les rythmes et entrelacs de la musique, ce trio invite à lui-seul à une subtile célébration de la vie.