"Les Voleurs de rêves : Cent cinquante ans d'histoire d'une famille algérienne" est le premier livre de Bachir Hadjadj paru en 2007 chez Albin Michel.
Résumé
A travers le récit du quotidien de sa famille sur plusieurs générations, l'auteur retrace l'évolution de la société algérienne. Il évoque la condition des hommes, des femmes et enfants, les rites et coutumes berbèro-arabes, la colonisation française qui changea l'organisation tribale du pays, la guerre d'indépendance, le FLN et l'armée française.
Les Voleurs de Rêves se lit comme un roman qui n'en est pas un, il se veut aussi didactique :
"C'est le livre d'un père, obstinément mutique, qui a su devenir plus grand que ses blessures. "Je voudrais savoir d'où je viens", lui a lancé un jour sa fille qui,comme ses deux frères, a grandi et vécu en France. Car longtemps, Bachir Hadjadj a gardé le silence.
Pendant plus de trente ans, ce vaincu de l'Histoire officielle - celle des manuels scolaires et des discours présidentiels -, a repoussé le moment "de parler de ces choses qui brûlent", que tant de pères algériens ont voulu, comme lui, maintenir enfouies. Son livre est celui d'une transmission, d'une délivrance, d'une mémoire personnelle qui s'ouvre enfin : l'album familial, terrible et splendide, d'un honnête homme qui se souvient.
Né dans la région de Sétif, le jeune Bachir Hadjadj, enrôlé volontaire dans l'Armée de libération nationale (ALN), est devenu, à l'indépendance (1962), militant communiste. Il sera, à ce titre, harcelé par les sbires du régime de Houari Boumediène (1965-1978). Mais le récit autobiographique de cet Algérien sans drapeau ne se limite pas à l'histoire de sa génération. Il démarre bien plus loin dans le temps. L'arbre généalogique du clan des Mérachdas, auquel est rattaché l'auteur, est donné en exergue : l'histoire de Bachir Hadjadj, celle de sa famille, c'est celle de l'Algérie, quand ce vaste territoire ne portait pas encore le nom d'une nation. Elle commence à la fin du XIXe siècle, avec "l'exode" des ancêtres, semi-nomades chassés du sud des Hauts Plateaux par la sécheresse et les criquets, et elle s'achève, au début des années 1970, sur le "chemin de l'exil" que Bachir Hadjadj, son épouse (bretonne) et leurs enfants finissent par prendre pour rejoindre la France.
Des janissaires turcs aux apparatchiks du FLN, des tortionnaires de l'armée coloniale française à ceux de l'actuelle Sécurité militaire algérienne, se déroule sous nos yeux la longue histoire d'un peuple à qui on a « volé ses rêves ». En brossant cette saga familiale, l'auteur ne fait pas oeuvre d'historien - il s'en défend. Ni de romancier - son livre n'est pas une fiction. Emigré malgré lui, cet homme à la double culture, au style classique et mesuré, fait pourtant là oeuvre pionnière.
Tout est dit - ou presque -, de l'histoire algérienne. Des horreurs de la nuit coloniale. Du code de l'indigénat et de la confiscation des terres. Du système de ségrégation et de la « vigilante censure des deux mondes », séparant colons et colonisés. Des atrocités de la guerre d'indépendance, à laquelle le jeune Bachir participe d'abord au titre de « Français de souche nord-africaine », avant de rejoindre, début 1961, les rangs de l'ALN, près de la frontière tunisienne. Mais tout est dit, aussi, des archaïsmes de la société (pas encore) algérienne. De la polygamie, tradition familiale, dont les enfants, garçons compris, ne sont pas les derniers à souffrir. Du père, violent en privé, mais qui, en public, face aux Européens, se livre, fonction oblige, à un « numéro de cirque dégradant ». Tout est dit, aussi - ou presque -, de la guerre côté FLN. Bachir Hadjadj n'a pas l'intrépidité iconoclaste d'un Azzedine Bounemeur, qui a raconté, dans La Pacification (L'Harmattan, 1999), les coulisses des maquis, violences sexistes comprises. Mais il évoque, de manière précise, certaines dérives de l'ALN, avec son lot de purges et ses exécutions sommaires.
Le « terrible fiasco » des dix premières années de l'indépendance est décrit avec force détails. On y voit la « police des moeurs » du FLN faire la chasse aux couples « illégitimes », et la police tout court se lancer à la chasse aux suspects - terrorisant leurs proches, comme cela sera le cas pour l'épouse de l'auteur. « Aux yeux du pouvoir algérien, et ce depuis l'indépendance, toute opposition ne pouvait être qu'illégale ou clandestine : je n'en voulais pas », conclut Hadjadj."
Catherine Simon, Le Monde du 13 avril 2007
Prix et distinctions
"Prix Séligmann, contre le racisme, l'injustice et l'intolérance" 2007