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Arts-barbados

Athmane Ariouet

  • Athmane Ariouet
Réalisateur/trice, Acteur/trice, Comédien(ne)
(Homme)
Pays principal concerné : Rubrique : Théâtre, Cinéma/tv

Athmane Ariouet (en arabe : عثمان عريوات) né le 24 septembre 1948 à M'doukal en Algérie est un acteur algérien issu d'une famille chaoui. Il a joué dans plusieurs films algériens historiques, sociaux, comiques, dramatiques. Récompensé à plusieurs reprises au cours d'une carrière de plus de cinq décennies, il est considéré comme l'un des plus grands acteurs du algériens tels que Hassan El Hassani, Rouiched, Hadj Abderrahman entre autres.

C'est à l'âge de 15 ans, en 1963, qu'il entame son expérience au théâtre et au cinéma, découvre Molière,. Ce natif de M'doukel, la terre de Mustapha Kouici et de Ahmed Aroua, il savait/sait que l'art est une affaire sérieuse. Il ne se laisse pas griser par ses premiers succès, il décide de suivre une formation au Conservatoire d'Alger de 1969 à 1972. Il apprend les secrets de la diction, les différents procédés de la commedia dell'arte faits essentiellement d'improvisation, l'expression corporelle, mais surtout les techniques de Stanislavski.

Ainsi, il fera la connaissance des grands noms du théâtre, Keltoum, Rouiched, Mustapha Kazdarli, Hassan el Hassani, Taha el Amiri, Hadj Omar, Allal el Mouhib ou Mustapha Kateb. Il n'a jamais imaginé côtoyer ces géants de l'art dramatique et du cinéma. C'était un simple rêve qui venait de se réaliser, Alger lui ouvre les bras avec ses lumières et ses choses laides, lui l'amoureux de Molière et de Charlie Chaplin voyait loin tout en évitant de faire la star. C'est une star, malgré lui, Ariouet, un comédien fait de travail, de métier et de génie. Mais aussi un homme d'une grande culture qui lit énormément, très peu connaissent cette qualité chez lui, un peu ascétique et un amour immodéré pour la poésie populaire, Benguittoun, Bensahla, Khaldi et la chanson, ses choix sont éclectiques, le chaabi, l'Oranais, le chaoui, le kabyle.

Ce caractère éclectique est la marque fondamentale de son expérience théâtrale et cinématographique, il passe avec une facilité déconcertante du style tragique au comique de situations ou de mœurs, de la farce à la sotie qui se caractérise par le goût de la fantaisie gratuite. Il est le lieu d'articulation de plusieurs genres, le comique nargue le tragique, la sotie rencontre la moralité dont l'objectif est de mettre en scène des sujets permettant d'enseigner une vérité. Il passe de ses premiers sketches (Le mort vivant ; El Bagra) à Brecht (Les fusils de la mère Carrar) aux productions historiques (Cheikh Bouamama, Les déracinés) et au style « comique » (Le clandestin, De hollywood à Tamanrasset, Carnaval fi Dechra, Le Chat). Il a travaillé sous la direction de réalisateurs très sympathiques comme Mohamed Chouikh, Lamine Merbah, Rachid Benallal (La rose des sables), Benamar Bakhti, Amar Tribeche…

Ariouet, ce n'est pas quelqu'un qui interprète des rôles sans connaitre les tenants et les aboutissants du discours. Même dans son travail de comédien, il évite le cabotinage tout en ne se passant pas de l'improvisation puisée dans les jeux singuliers de la commedia dell'arte. D'ailleurs, il le dit lui-même dans un entretien, il choisit ses réalisateurs, ses productions et les sujets traités, il n'est pas facile, le théâtre et le cinéma sont, pour lui, des affaires sérieuses : « Je préfère rester sans jouer que m'impliquer dans des rôles et des travaux d'un niveau bas comme on le constate, hélas, aujourd'hui. Je suis pour les œuvres de qualité et le nivellement par le bas me révolte ». Il est aussi à l'aise avec certains acteurs comme Salah Aougrout, Lakhdar Boukhers, Hamid Achouri, Antar Hellal ou Allaoua Djermani, mais, bien entendu, il aimait beaucoup travailler avec les anciens qui lui permettaient d'apprendre davantage le métier. C'est un voleur de feu comme Prométhée. On ne peut pas ne pas apprendre aux côtés d'un Hadj Omar, Allel el Mouhib ou Hadj Abderrahmane.

Ariouet qui est un parfait bilingue (il avait été au conservatoire le premier de diction française) sait très bien qu'aujourd'hui, les choses sont difficiles, son regard semble désenchanté, marqué par les désillusions et les déceptions accumulées par un pays mal-gouverné. Mais il espère toujours réaliser ce film dont le titre serait déjà trouvé selon un ami commun, l'ancien comédien du théâtre régional de Annaba, un très proche de Ariouet, « Couscous au cornichon », un attelage un peu paradoxal, une sorte de synthèse entre un produit local et un mot à consonance européenne. Ce qui fait penser à Carnaval fi dechra (association de deux espaces apparemment différents), ce long métrage réalisé par Mohamed Oukaci qui a fait et fait toujours fureur. Il est peut-être avec Tahya ya Didou de Zinet et Omar Gatlato, l'un des films qui apportent l'analyse la plus sérieuse de la société algérienne. Ariouet interprète un personnage complexe et drôle, "Makhlouf Bombardier", il est le lieu d'articulation de toutes les contradictions sociales, révélant de manière concrète les différents jeux de pouvoir, en usant d'autodérision et de caricature.

Jamais un film n'a autant saisi les paradoxes caractérisant une société marquée par les jeux de la corruption et de la mauvaise gestion, traversée par des attitudes népotiques et clientélistes. C'est à partir d'une dechra, une commune ordinaire et un maire un peu trop concerné par les affaires de sa cité, au bout de la crise des nerfs, dépassé par des situations qui sont finalement normales et cocasses en même temps, un microcosme d'un pays anormal. Makhlouf porte ainsi les oripeaux de Don Quichotte, ne se rendant nullement compte des glissements subis par sa définition de la normalité. Des formules originales vont marquer l'imaginaire populaire, les spectateurs retrouvent ainsi exprimés leurs frustrations, leurs doutes, leurs actes manqués, les attitudes tues, censurées, leurs fantasmes, ce qu'ils n'arrivaient pas à dire, à exprimer, ils le retrouvaient pris en charge par ce film. A la fois sévère, tendre et impétueux, Makhlouf est l'image d'un maire qui semble dépassé par des pratiques malsaines ancrées dans le quotidien. Ce film est toujours d'actualité.

C'est peut-être la meilleure analyse de la situation politique et sociale de l'Algérie. Aucun sociologue ou artiste n'a réussi à en parler avec une telle densité et une telle profondeur soutenue par un humour féroce et d'extraordinaires marques satiriques. Othmane Ariouet, ce grand comédien qui n'a jamais rien demandé à personne, a permis de donner à voir avec une grande lucidité cette Algérie marquée par un mode de gouvernement inadéquat et une grande corruption. Ce long métrage est, selon moi, le plus grand film politique jamais réalisé depuis l'apparition du cinéma en Algérie. Il dit la grave crise que connaît le pays, mieux que de très nombreuses thèses de sociologie ou de sciences politiques. Othmane Ariouet, extrêmement modeste, un véritable artiste, a refusé, alors qu'il vit modestement, des offres pour des campagnes publicitaires qui lui auraient rapporté des milliards : vous me voyez, aurait-il répondu à un "patron" qui lui demandait de faire la promotion d'un de ses produits, avec un morceau de margarine faisant le rigolo, non jamais". Oui, Carnaval fi dechra, une comédie, est un véritable chef d'œuvre, une radioscopie réaliste d'une descente aux enfers.

On attend beaucoup de Ariouet, devenu le symbole de la mise à nu du système de gestion. Il sait désormais que ce n'est pas facile, il s'enferme dans son antre tout en espérant que les pouvoirs publics libèrent son film, « Chronique des années pub » encore sous le coup de la prison de la censure, lui, trop porté sur l'éthique soufie, Ibn Arabi, attend sans se faire trop d'illusions, même pour ce rêve de film, Couscous au cornichon, une autre radioscopie de la société algérienne. De quoi est-il question dans « Chronique des années pub », Ariouet s'expliquait dans un entretien accordé à Liberté : « Une publicité mensongère dont on a gavé le peuple en promettant une vie meilleure qui n'arrivera que par une génération future porteuse d'espoir ». Les intentions de l'auteur sont claires : dire l'Algérie en utilisant les procédés de la comédie. Il vit normalement, en homme du peuple, préférant une vie simple.


https://www.imdb.com/name/nm0034869/


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