Triste nouvelle !
L'Ambassade de France a décidé d'interrompre le programme de développement du cinéma en République Centrafricaine et la formation aux métiers du cinéma CinéBangui qui était en cours.
Aucune explication n'a été donnée.
Certes la France limite depuis le début de l'année sa coopération en République Centrafricaine, mais les fermetures de projets ne sont pas censées concerner les projets culturels et humanitaires.
CinéBangui est une formation conduite par la CinéFabrique, école nationale de cinéma de Lyon et l'Alliance française de Bangui.
Pendant un an, 34 étudiants, recrutés au terme d'un concours et répartis en 5 sections (scénario, image, son, montage et production) étudient aux côtés de professionnels du cinéma français et de jeunes formateurs centrafricains.
Commencée en juin, après des retards dûs à la pandémie de Covid et à la dégradation de la situation sécuritaire en RCA l'hiver dernier, la formation se déroulait parfaitement bien.
Les étudiants sont extrêmement motivés, bouillants d'enthousiasme, présents, engagés, intelligents. Les premiers court-métrages réalisés cet été sont de très bon niveau. Ils vont être envoyés dans les festivals, où je ne doute pas qu'ils retiendront l'intérêt.
Cette semaine, de nouveaux scénarios venaient d'être achevés que les étudiants se préparaient à tourner. Deux formateurs étaient sur place, quatre autres s'apprêtaient à partir.
Tout cela a été arrêté net. Les étudiants vont rester avec une formation incomplète. Leurs films ne seront pas réalisés. Leurs espoirs de travailler dans le cinéma, de faire des films, de contribuer à la culture de leur pays sont balayés.
Cela fait quatre ans que nous travaillons (avec les Ateliers Varan, la CinéFabrique et l'Alliance Française de Bangui) à former des réalisateurs et des techniciens dans ce pays où il n'y avait pas jusque là d'industrie du cinéma. Des résultats magnifiques ont été obtenus, notamment dans le domaine du documentaire, avec des films qui ont fait le tour du monde et obtenu des prix dans les plus grands festivals internationaux.
En ce moment même, au Fespaco, grand rendez-vous du cinéma africain à Ouagadougou, quatre cinéastes centrafricains formés dans le cadre de cette coopération défendent les couleurs de leur pays. Les films Makongo de Elvis Sabin Ngaïbino (déjà primé au Cinéma du Réel à Paris et dans une dizaine d'autres festivals de par le monde) et Boy Biyo de Anne-Bertille Ndeysseit Vopiande (primé à IDFA) sont en compétition. Le projet Eat Bitter (soutenu par le Bertha Fund d'Amsterdam, Hot Docs du Québec et la bourse Sundance) porté par Pascale Appora-Gnekindy et Orphé Zaza participe au Ouaga Film Lab, où il vient d'obtenir le prix de l'Institut français. Et tandis que j'écris ces lignes, j'apprends que Makongo a obtenu l'étalon de bronze du meilleur documentaire.
Une réussite exceptionnelle pour un pays qui, il y a quatre ans encore, n'avait ni industrie du cinéma, ni réalisateurs, ni techniciens formés.
CinéBangui permettait d'aller plus loin et de former des jeunes Centrafricains à tous les métiers du cinéma et de promouvoir le cinéma de fiction.
Fermer le programme maintenant est à tous égards un non-sens.
Quel gâchis !
Tant de belles choses peuvent être faites dans ce pays.
Boris Lojkine, cinéaste, coordinateur du projet CinéBangui
Suite : #CinéBangui, projet de formation au cinéma de fiction qui a lieu en République Centrafricaine et soutenu par l'Ambassade de France à Bangui, a repris fin mars 2022 avec les préparations et tournages de 4 films réalisés par les élèves de la formation.
Ce sont au total 8 formateur·ice·s de la CinéFabrique qui se sont rendu·e·s à tour de rôle à Bangui pour encadrer 33 étudiant·e·s.