A quelles conditions et selon quelles procédures spécifiques une civilisation, ne disposant pas du support objectif et indépendant qu'est l'écriture, arrive-t-elle à produire, à exprimer et à archiver son patrimoine culturel ? Voilà la question à laquelle l'auteur convie son lecteur. En interrogeant les différents discours de la tradition orale (contes, proverbes et dictons, textes épiques et initiatiques), ainsi que les " manières de dire " plus courantes, c'est à la fois la langue et le langage que Mamoussé Diagne embrasse dans sa quête. Il identifie non seulement les contenus de la pensée africaine mais aussi les modes de raisonnement et d'acquisition de la connaissance, les façons de la transmettre et de la conserver, compte tenu des handicaps et limites que comporte la (presque) absence du support matériel de l'écriture. Bref, c'est une véritable critique de la raison orale que l'auteur nous offre, telle que seul un philosophe pouvait effectuer.
En effet, linguistes, ethnologues, anthropologues... ont collecté, enregistré, observé et décrit les productions de l'oralité, en demeurant presque toujours au niveau de leurs formes, au mieux de leurs structures. Mais c'est la première fois que, scrutant ce corpus multilingue et multiculturel, un chercheur fouille aussi profond et dégage les principes intellectuels qui s'en trouvent à la base. Du coup, il innove dans la recherche africaniste et ouvre une voie nouvelle, tout comme Roland Barthes renouvela en son temps la critique littéraire.
Préface de Bonaventure Mvé-Ondo.