Ce spectacle met en scène deux très beaux témoignages sur la tragédie rwandaise recueilli par Jean Hatzfeld dans son livre "Dans le nu de la vie - Récits des marais rwandais".
... Un génocide n'est pas une guerre particulièrement meurtrière et cruelle. C'est un projet d'extermination. Au lendemain d'une guerre, les survivants civils éprouvent un fort besoin de témoigner ; au lendemain d'un génocide, au contraire, les survivants aspirent étrangement au silence. Leur repliement est troublant...
Jean Hatzfeld
production Cie Pipo, coréalisation Théâtre Paris-Villette
avec le soutien de la Drac Ile de France et de la Mairie de Paris
Igishanga a été créé au Théâtre Paris-Villette en janvier 2002
repris en octobre 2002 dans le cadre des Rencontres de la Villette,
en décembre 2002, le 14 mai 2004, les 8 et 9 avril 2005
J'ai joué Igishanga plusieurs fois au Théâtre Paris-Villette, puis en tournée. Pourquoi y revenir encore ?
Parce que d'une certaine façon je n'en reviens pas de ce texte, je n'y reviens jamais, je ne fais qu'en partir. Je finis toujours par éprouver l'envie joyeuse d'en repartir.
Point de départ incontournable, l'oeuvre de Jean Hatzfeld, qui est tout sauf une suite de témoignages de rescapés du génocide rwandais. Non, chaque témoignage est un récit à la première personne du singulier.
J'ai choisi ceux de Sylvie Umubyeyi (assistante sociale) et de Claudine Kayitesi (cultivatrice). Sylvie dit à un moment donné de son récit qu'après le génocide "il faudra inventer de nouveaux mots". Il ne s'agit pas d'un "on ne peut pas le dire" mais non au contraire d'inventer et pousser la parole au centre de l'intime, de la pensée, des silences. Pas de plainte ni de pathos dans ces histoires mais une émotion qui pousse le vivant devant nous.
Claudine et Sylvie (et c'est ce qui me surprend et me trouble à chaque fois) poussent chaque mot dans ses retranchements. C'est pas causer, c'est pas dire, c'est pas raconter, c'est se risquer à parler, à prendre la parole et à franchir un peu la ligne jaune des mots attendus et convenus. C'est s'y risquer comme on s'y risque au théâtre.
Alors, je prends le livre dans la main, je m'assois, je commence à lire puis je saute dans leur voix, leur accent, leurs gestes, leur rire, leur pudeur bouleversante pour provoquer une sorte d'apparition dans la fragilité lumineuse du plateau.
Isabelle Lafon