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(sortie en février)
Près d'un demi-siècle après sa mort, Billie Holiday continue de fasciner les musiciens comme elle le fit de son vivant. En témoigne ce nouvel album somptueux et spectaculaire du plus brillant des saxophonistes de la jeune génération. A première écoute, on ne sait trop qu'en penser : la première réaction en découvrant chaque nouvel album de James Carter est une sorte de stupéfaction gênée devant tant de virtuosité et de diversité.
A 34 ans, Carter est déjà depuis longtemps un "monstre sacré ". Il maîtrise à la perfection toute la gamme des saxophones et autres clarinettes. Il a une connaissance encyclopédique de tout le répertoire du jazz, du swing au free en passant par le bop et le funky. De ses deux précédents albums, simultanés (" Chasin'the Gipsy " et " Layin'In the Cut ", 2000) l'un était un hommage aussi ardent qu'inattendu à Django Reinhardt, l'autre une bizarre expérience d'électro-jazz.
" Gardenias for Lady Day " nous ramène à la tradition lyrique des grands ténors classiques du jazz - Coleman Hawkins, et surtout Ben Webster, que James Carter a d'ailleurs incarné dans le film de Robert Altman " Kansas City ".
Au cœur de l'album, une version pathétique et très " free " de " Strange Fruit ", la sublime chanson-poème de Billie dénonçant les lynchages, encore fréquents dans le Sud des USA à l'époque où elle l'enregistra. Suit une interprétation grandiose, au sax baryton, d'" A Flower Is a Lovesome Thing " d'Ellington, qui comme trois autres des huit thèmes du disque n'a pas été chanté par Billie, mais a marqué son époque.
Le trio de base mené par l'excitant pianiste John Hicks est soutenu par une section de cordes remarquablement arrangée. On peut se demander en revanche si la présence d'une chanteuse (Miche Braden, une amie de Carter, talentueuse mais trop démonstrative) était indispensable : ses interventions sont les seuls moments de cette émouvante évocation où s'estompe un peu " l'âme de Billie Holiday " - pour reprendre le titre du très beau livre de Marc-Édouard Nabe.