Asilah est un paisible village de pêcheurs au nord du Maroc. La vie s'y résume à des choses simples : la pêche, la famille, les voisins et le Café Bleu, où les hommes aiment à se retrouver le soir venu. Mahmoud Saber, un SDF luthiste et ancien détenu politique y a trouvé refuge et amitié. Cette tranquillité est interrompue le jour où la petite fille de Simo, un jeune pêcheur, est fauchée par la voiture d'une bande de malfrats…
Thèmes : société, Maroc
Réalisateur : Abdelhaï LARAKI Scénaristes : Abdelhaï LARAKI, Abdeslam KELAÏ Interprètes : RAMOS, Carmela (Mona) / BENCHAGRA, Khalid (Yacine) / KHAMLILCHI, Asmaâ (Leyla) / CLAIR, Cyrielle (Francine) / ADRAOUI, Chaïbia (Mama khadija) / CHABLIL, Amal (Beurette) / EL FAD, Hassan (Technocrate) / AHRAR, Latefa (Lala amal) / BIKR, Nour-Eddine (Réceptionniste) / TSOULI, Mohamed (Abbas) / KOAIBI, Houda (Nawel) / BOUAYAD, Azedine (Ancien détenu) / ATTIFI, Mohamed (Chauffeur taxi blanc) / HAMAOUI, Malika (La maquerelle) / MAYODI (Abdel) / HILAL, Boubker (Policier de l'aéroport) / ERAMDI, Fatiha (Saadia) / OSFOUR, Mahmoud (Garçon panier) / SAID, Omar (Groupe de musique) / ZAIM, Sanaa (Zakia Omari) / ATTIFI, Zakaria (Portier) / BENKIRANE, Omar (Jawad) / ROUKH, Driss (Dragueur) / SAYH, Jawad (Dragueur) / BAHLOUL, Hicham (Fonctionnaire) / KACHTI, Nour-Eddine (Fonctionnaire) / BIHI, Rachid (Saïd Télécom) / ZHAR, Youssef (Gardien du ministère) / JAMAL, Khadija (El Hajja) / HNINI, Mustapha (Barbu) / BENAMI, Hind (Danseuse) / TADLAOUI, Yasmina (Danseuse) / OUDJAL, Hajar (Danseuse) / HARANDI, Fatima (Gardienne du saint) / NAIMANE, Mohamed (Clown) / GOURINY, Karima (Blonde taxi) / RGAGNA, Abdelkebir (Chauffeur petit taxi) / MORCHID, Hamid (Troupe Nowa) Image : Abdelkrim M. DERKAOUI Son : Faouzi THABET Montage : Vera MEMMI Musique originale : Abdewahed A. ALAOUI, Saïd A. AALAOUI Décor : Bernard MALBEC, Saïd RAISS Directeur de Production : Azeddine TAOUSSI Producteur exécutif : Mohamed BENNANI Producteur: Abdelhaï LARAKI Production : Casablanca Films Production (Maroc) / TVM (Maroc) / Cité en Fêtes (Maroc) / 2M (Maroc) Support : SUPER 16 / 35 MM Notes : Aide de MEDEA (Mediterranean and European Audiovisual Development Programme) Festival : Fameck 2007 Langue : Arabe
Note d'Intention : Au départ de ce film, il y a un désir de filmer qui trouve son impulsion dans ma rencontre avec les photos en noir et blanc de Mohamed Benaïssa de son livre "Grain de Peau" : Images-écran enfouies quelque part dans ma mémoire comme une part de mon enfance… En 2003, l'arrestation d'un petit caïd local, à Tanger, effraya la chronique. L'affaire impliquait des pêcheurs en révolte contre l'autorité locale et le jeune caïd d'une trentaine d'années, qui, en très peu de temps était devenu un trafiquant redoutable protégé de surcroît par des hommes politiques locaux corrompus. Ce fait divers éclaire les paradoxes de la situation sociale, économique et culturelle de mon pays. Le Maroc, enserré entre sa dimension traditionnelle et artisanale encore forte, et son ouverture à un trafic international qui naît de l'emplacement géographique. Dans un climat de complaisance et/ou d'impuissance des autorités locales. En partant de ce fait divers réel, mon désir de filmer s'est concrétisé par la co-écriture avec Abdeslam Kelaï, scénariste et journaliste marocain, du scénario initialement appelé "Les Vagues de la Colère" titre qui se transformera pendant le tournage en "Rih Al Bahr' (Parfum de Mer) "Rih Al Bahr" est un drame social noir qui a pour cadre, d'une part, le monde traditionnel et artisanal des petits pêcheurs de la médina, l'ancienne ville, et, d'autre part, le monde urbain des petits trafiquants installés dans la "ville nouvelle". Deux cultures, deux communautés qui cohabitent et s'ignorent selon un ordre et des principes : résultats d'un équilibre social et économique. Le film raconte la rupture de cet équilibre : la collision fortuite, violente et irrémédiable entre ces deux mondes et comment s'ouvrir à la modernité sans aliénation, comment renoncer à l'archaïsme sans renoncer à ses vraies valeurs ? Pris dans cet étau tout au long de sa vie, le personnage de MAHMOUD SABER incarne la génération qui a lutté, a connu la prison durant les années de plomb (1960-80) et s'est sacrifiée pour défendre ses idéaux, pour un Maroc meilleur. Le tournage qui a pris huit semaines a eu lieu dans le Nord du Maroc, à Asilah, Tanger, Laarach. Lieux réels des événements, ils sont chargés d'histoire et encore habités par les sentiments de ceux et de celles qui les ont vécu, je les ai filmés comme de véritables protagonistes vivants. J'ai travaillé les scènes des bandes des truands avec des tons très obscurs, en utilisant des mouvements de caméra rythmés et croisés, avec des plans courts et des champ contre-champ suggérant une confrontation permanente synonyme de la violence inhérente à ce milieu. En opposition, j'ai utilisé des plans-séquences pour la communauté des pêcheurs, avec une palette de couleurs plus chaudes, plus solaires. Le format de tournage en HD s'est imposé au départ pour une question d'économie sur le coût de la production. Je garde en effet le douloureux souvenir d'avoir été limité lors de mon premier long-métrage "Mona Saber" par la quantité de pellicule à disposition - ayant du le réaliser avec 18.000m au lieu des 35.000m initialement prévus. Pour éviter d'avoir à faire des compromis, cette fois, j'ai donc opté pour une caméra HD, maintenant a posteriori je peux dire que cela était le meilleur choix possible pour mon film. Je pense que l'avenir du cinéma, nous, les pays du Sud, est certainement à trouver dans l'utilisation de format de ce type. J'ai pu jouir d'une majeure liberté, au profit de la direction d'acteurs et notamment des acteurs non-professionnels qui représentent les 2/3 du casting. Personnages choisis sur place, souvent pour interpréter leur propre rôle dans le film. Cette association comédiens professionnels / casting "sauvage" a eu un fort impact sur le film: un réalisme accru avec des dialogues plus dépouillés, les personnages ont gagné naturellement en profondeur et en humanité, elle a même certainement influencé le jeu des acteurs affirmés dans une heureuse synergie ! Je me souviens des scènes du Café Bleu où les clients pêcheurs ont insisté pour fumer réellement de vrai sebsi de kif, comme ils en avaient l'habitude dans la vie - refus de simulacres - apportant au film une certaine lenteur, une apesanteur dans le jeu, qui contraste d'ailleurs nettement avec la gestuelle des truands. La colère, qui était initialement le centre et le véhicule de l'intrigue (cf. titre ancien Les Vagues de la Colère), a cédé progressivement la place aux relations psychologiques et sociales entre les différents protagonistes, comme la relation de MAHMOUD SABER et SIMO, qui, quelque peu "biblique" a priori dans le scénario initial, a pris corps durant le tournage pour devenir une belle amitié entre deux hommes qui partagent le même drame. En s'appropriant les dialogues et les situations, les acteurs non professionnels ont également insufflé une bonne dose d'humour à ce drame social (remplacer les envoies de lettres anonymes comme écrit dans le scénario par "des crabes ligotés" pratiques ancestrales du village). Ces hommes et ces femmes ont réellement besoin de leur sens de l'humour pour alléger leur lot de souffrances quotidiennes, le poids de la société et de ses dysfonctionnements. La musique, à l'instar de l'humour, vient ponctuer et alléger le quotidien des pêcheurs tout au long du film, essentielle et représentative tour à tour de la tradition et de la modernité. MAHMOUD SABER joue sur son luth un répertoire très populaire (état de transe), qui varie selon les circonstances et conclue souvent les situations. DRISS et ses hommes quant à eux écoutent une musique saccadée et violente, le nouveau rap marocain, qui raconte la violence et la misère avec un parlé cru, humour grinçant et sans tabous. En cherchant à chaque instant à installer, chaque protagoniste, chaque événement dans une véritable situation cinématographique, les personnages du "Rih Al Bahr" ne sont jamais donnés d'emblée, ce sont leurs actes qui tracent leur caractère et décident en fin de compte du traitement que j'ai réservé à chaque clans. Il n'était pas question, pour moi, tout au long du tournage de calquer une quelconque réalité de la vie de ce village, ni de me poser en voyeur, bien au contraire, toutes les situations ont été recrées cinématographiquement pour les besoins de la camera et j'espère qu'ils seront données plus à partager qu'à voir. Elles sont le fruit d'une véritable identité loin de tout exotisme. Abdelhaï Laraki